25 mars 2012

Soirée tranquille

Dernièrement, j’ai assisté à un très beau spectacle. C’était Kind of Blue, cette œuvre de Miles Davis. Une œuvre phare dit-on. Cette suite est un état d’esprit, une atmosphère. On nous a demandé de ne pas applaudir après les solos ou entre les pièces, il fallait seulement écouter, se laisser aller.
Pas facile au Québec de ne pas applaudir. On veut tellement se faire aimer des artistes, on veut tellement être le meilleur public au Monde qu’on s’épuise en offrant des ovations debout, même quand la prestation est moyenne, on se lève et on se pète les veines des mains, on lance des hourras! On sent toujours l’irrésistible besoin de faire du bruit à la fin d’un solo alors qu’il faut justement écouter la passation du flambeau, la jonction entre le soliste et l’orchestre qui se font à la fin du phrasé. Tout le monde le sait, ici on félicite même le pilote qui pose son avion sans incident.
Ce soir-là, les musiciens ont dit : taisez-vous, laissez-nous vous mener quelque part. J’ai apprécié leur requête sauf que ce sont eux qui ont parlé. On nous a expliqué l’origine de l’œuvre, la date de sa création, la date de la première prestation et qu’après cet évènement, le jazz tel qu’on le connait venait de naitre. Ils ont dit plusieurs autres choses que je n’ai pas écoutées.
Je me suis dit « eux aussi auraient mieux fait de se taire ». La même chose se produit en peinture, en littérature, dans les sports, en science. Nous ressentons ce besoin de planter des repères un peu partout. Ça rassure. Nous aimons croire que c’est une découverte précise qui a tout changé, que c’est une composition particulière qui a ouvert le chemin… etc. Nous avons beaucoup de difficulté à apprécier les œuvres pour ce qu’elles sont, tout simplement. Il ne faut pas toujours intellectualiser.
Même si l’histoire m’intéresse, je ne souhaite pas toujours entendre ces énoncés. Je crois que tout fini par se produire, peu importe grâce à qui, où et quand. Si on ne croit pas à cela, il faudrait alors se demander qu’est-ce qui aurait dû être créé et qui ne l’a pas été, à cause de qui, à cause de quoi. C’est à devenir fou.
Il y a des choses qui ont avantage à être appréciées par nos sens sans autres formes d’analyses, sans réflexions savantes, sans avoir à lire ce que les spécialistes affirment. Finalement, ce fut un concert mémorable. Malheureusement, il y eut des gens pour applaudir un peu n’importe quand, il ya eu des hourras. Les musiciens, de grands jazzmans, ont ri et ils ont joué. J’avoue qu’après avoir entendu cette musique aussi calme que ravissante,  interprétée de façon magique, j’aurais voulu quitter les lieux dans le silence, sortir de la salle et me retrouver face au Mont-St-Hilaire qu’on devinait dans la nuit.
Grand-Langue

12 mars 2012

Amenez-en des problèmes!

Je lis que l’eau douce est menacée par le réchauffement de la Terre, par l’augmentation de la population mondiale. Un soldat américain aurait tué seize personnes en Afghanistan. Une fillette lutte pour sa vie après être tombée dans une rivière pas loin d’ici. Les Néozélandais demandent que la tonte du mouton devienne une discipline olympique. En Syrie, ça ne semble pas très bien aller, c’est ce qu’on dit. Je passe par-dessus les sports, par-dessus les arts, par-dessus l’économie, par-dessus les blogues d’une vingtaine de journalistes. J’apprends qu’Oreo fête ses cent ans!

Je n’ai regardé qu’un journal électronique, j’ai accès à des milliers de sites du même genre, en français. Il y en a dans toutes les langues, tous les pays, toutes les villes. Lire un seul de ces sites au complet est impossible. Les journaux papier existent encore, les revues aussi. Il y a la télé, les autres facettes d’Internet, les publications spécialisées. Bref, il existe pas mal de canaux d’informations. Ma question est la suivante : où s’en va-t-on avec ça? Je veux dire, une fois qu’on a cerné un problème, il faut le résoudre. Bon, avec lequel commence-t-on? Il faut prioriser.

Ma belle-sœur est d’avis qu’il faut d’abord enfermer les pédophiles. Son fils croit qu’il faut plutôt éliminer les frais scolaires. Nous étions en train de réfléchir à ça quand un vieux monsieur s’est mêlé de notre conversation et nous a dit que nous n’irions nulle part si on ne réglait pas d'abord le problème de la faim dans le Monde. Il y a cette fille à deux tables de la mienne qui me regardait manger mon sandwich au rosbif comme si j’étais responsable des problèmes qu’engendre l’agriculture moderne alors qu’avec tous les piercings qu’elle a dans le visage, elle pourrait à elle seule vider une mine du Plan Nord. C’est ma fille qui m’a ramené sur Terre en s’exclamant : à quoi bon sauver l’humanité si le Canadien de Montréal ne fait pas les séries éliminatoires! Il y eut un silence, un moment de méditation.

Sérieusement, est-ce qu’on s’occupe de l’eau douce ou de la Syrie en premier? Je sais, ce ne sont pas les problèmes qui manquent. Et le chômage existe? Non mais, vous ne trouvez pas qu’on a assez de pain sur la planche pour occuper tout le monde? C'est ainsi que, sans même l’avoir prévu, j’ai réglé le problème du chômage.

Réfléchir ainsi ça donne faim.

Je crois que je vais aller fêter les 100 ans des biscuits Oreo, avec un bon verre de lait.

Demain je règlerai autre chose.

Grand-Langue

4 mars 2012

Comment je suis devenu stupide

Éprouver un urgent besoin de quitter des invités pour aller prendre l’air et ce faisant, ressentir un réel bienêtre, c’est une chose que vous avez vécue, vous, lecteurs intelligents. Quand certaines discussions volent à ras le sol, vous vous demandez: comment peut-on consacrer sa vie à de telles insignifiances? Il existe des sujets conçus pour être vidés de leur contenu en quelques minutes. Pourtant, il se peut que votre entourage fasse justement de ces thèmes une source intarissable d’échanges, de discussions, une raison de vivre. Si par malheur, vous baignez dans un environnement semblable, vous serez marginalisé! À la longue vous vous sentirez « malade ». Existe-t-il un remède à la chose? Oui : la stupidité, suffit de devenir stupide, de façon permanente.

« L’intelligence rend malheureux, solitaire, pauvre, quand le déguisement de l’intelligence offre une immortalité de papier journal…»

Antoine, jeune homme super intelligent, sans muscles et sans copine a compris cela. Il avait décidé de changer de vie et souhaitait maintenant communier avec « l’opinion publique ». Ainsi, « … il est clair que la stupidité est plus dans la manière de faire les choses ou de les considérer dans les choses elles-mêmes. En même temps, avoir des préjugés est stupide, aussi Antoine trouva que c’était un bon commencement pour sa nouvelle vie. » Le type avait aussi remarqué que l’ivresse rend l’homme intéressant pour les autres, qu’on écoute un ivrogne avec intérêt et bonne humeur. Même chose pour un grand malade, un suicidaire étant l’icône suprême, à cause de l’attention qu’il suscite. Antoine tenta de devenir un alcoolique suicidaire. Pas facile pour quelqu’un qui n’a jamais bu et puis, réussir son suicide, malgré les conseils de chacun relevait de l’exploit!

Au lieu de cela, il demanda une lobotomie à son médecin qui lui offrit des tranquillisants (méthode moderne). Son angoisse disparut. Il demanda ensuite aux quelques amis qu’il avait dans son ancienne vie de n’aborder que des sujets « simples », il entreposa ses livres, troqua les échecs pour le Monopoly, abandonna ses visites à l’université, décora son appartement plus humblement, avec des affiches à la mode, il fréquenta des « amis de consommation », il opta pour la chirurgie de la sueur en s’inscrivant à un gym. Il apprit à commenter le sport et développa un avis pour chaque sujet, il s’intéressa à l’argent, devint riche, s’acheta une voiture et une télé. Pour la première fois de sa vie, de jolies filles s’intéressèrent à lui, jusqu’ici il n’avait connu que des victimes « d’inégalités naturelles ». Bref, il devint con.

Ses anciens amis, craignant qu’il reste connard toute sa vie, décidèrent d’aller à son secours et de subjuguer son esprit en déposant chez lui des lectures telles que la Correspondance de Flaubert. Ils organisèrent aussi une séance de désenvoutement. Antoine croyait jouer un rôle, mais il avait oublié que c’est toujours soi que l’on corrompt le plus facilement.

Ce blogue n’est pas un blogue littéraire, mais je tenais à vous recommander ce « grand petit livre » écrit par Martin Page. L’écriture est formidable, les tournures de phrases sont originales, les citations ne manquent pas et l’intérêt est là du début à la fin, contrairement à plusieurs auteurs qui mettent le paquet sur la première phrase et qui chlorophormisent le lecteur après vingt pages.

C’est aussi un livre drôle, un livre qui pourrait être un essai, mais l’auteur n’oserait pas prétendre cela. Ce qui est drôle en même temps ne l’est pas. Je me promets de le relire, très lentement, car il y a de la matière à chaque page. Voici d'autres extrait :

En parlant de l’argent :

« Je n’ai pas de temps à perdre avec des gens qui veulent être aimés pour leur personnalité. Si encore vous étiez beau, vous trouveriez sans mal des filles qui vous aimeraient pour votre humour et votre gentillesse » (sic)

« Il y a des gens à qui les meilleures choses ne réussissent pas. Ils peuvent être riches et endettés, grands et nuls au basket… j’appartiens à l’espèce de ceux qui n’arrivent pas à rentabiliser leurs avantages, pour qui ces avantages sont même des inconvénients. »

« J’ai découvert que l’alcool est lié à l’histoire de l’humanité, et compte plus d’adeptes que le christianisme, le bouddhisme et l’islam réunis ». Très ironique.

Maintenant, la question. Êtes-vous intelligent(e)? Bien sûr que oui, sinon vous ne liriez pas mon blogue. Qu’est-ce que l’intelligence? On s’en fout. Personnellement, je suis d’accord avec l’auteur qui dit que c’est une vertu partagée. J’ajouterai que nous sommes tous idiots et intelligents… dans des proportions variées (rire).

Titre : Comment je suis devenu stupide (9,95$), de Martin Page.

Grand-Langue