25 mai 2013

La bête et autres bêtises

Que faire des beaux jours printaniers? Bosser dans les platebandes, chasser cette marmotte ou refaire la pelouse détruite par les moufettes? J’enfourche plutôt la bête, ma bécane. Je suis allé me balader en Estrie. Quel beau pays!
J’ai emprunté des sentiers adaptés pour les cyclistes et marcheurs, sur recommandation de collègues. N’écoutez jamais les collègues. J’ai roulé sur de la poussière de roche une poussière qui avait parfois des allures de cailloux. Pour la plupart, ces sentiers reposent sur d’anciens tracés de chemins de fer. Ils contournent les villages, longent des cours d’eau et bien souvent, passent au milieu des terres. Si en certains endroits le paysage est pittoresque ou naturel, il est souvent monotone.
Je ne suis pas un naturaliste, je ne suis même pas cycliste. En vélo, j’observe les humains. Tant mieux s’il y a des oiseaux, des ours ou des chevreuils, ce n’est pas ce que je recherche. En vélo, je préfère le bitume, car il se rend dans les villages, devant les églises, mène aux bibliothèques, passe devant les boulangeries et autres lieux du genre. Et puis, les humains se comportent mieux en ces lieux que sur les pistes dites cyclables.
Revenons aux pistes rectilignes empruntées. Au loin, je perçois deux piétons d’un bon gabarit, je suis poli. Ils marchent au milieu de la piste, en approchant je constate qu’ils tiennent des chiens en laisse, ils prennent toute la largeur. Je siffle, ils sursautent et se rangent sur le côté en maugréant. Je me sens coupable de quelque chose pourtant il ne s’agit pas de pistes canines, ce n’est pas un lieu à crottes. Même phénomène avec les poussettes. Je me demande si le type qui a dessiné les poussettes actuelles est le même qui a conçu les Hummer. C’est comme ça sur toutes les pistes, chez moi comme ailleurs : deux poussettes côtes à côtes, pas pour courir ou bouger, juste pour jaser en se dandinant. Si les cyclistes s’entendent bien avec les joggeurs, les marcheurs, avec les patineurs à roues alignées ou les planchistes à roulettes, il n’en va pas de même avec ceux et celles qui font du sur-place avec leurs toutous.
 Au sortir d’un des rares virages, j’ai croisé un homme qui enregistrait des chants d’oiseaux. Dit comme ça, vous imaginez une atmosphère bucolique, une forêt assez dense avec d’un côté un marais et de l’autre une petite rivière, mais dans la réalité, les multiples équipements spécialisés occupaient l’espace : plusieurs trépieds, des micros un peu partout, on aurait dit le tournage d’une grande production. Le bruit de mes pneus sur le gravier dérangeait monsieur. Je me demandais s’il avait repéré quelque chose dans le marais, mais non, après une minute d’attente il ne se passait rien. Exaspéré, j’ai repris la route et le monsieur m’a fait de gros yeux. Il aurait fallu que je marche sur la pointe des pieds ma bécane à bout de bras pour ne pas effaroucher les volatiles. Non mais, si tu veux enregistrer les moineaux et les pinsons lève-toi plus tôt, il est 11h00!
Assez chialé contre les piétons, par contre y’a beaucoup à dire sur les cyclistes. Il y a les « Tour de France ». Ceux qui doivent rouler à une vitesse minimale de 30 km/h pour ne pas affecter leurs statistiques. À toute vapeur, ils dépassent madame Tartempion dont l’équilibre est douteux. Ces gens roulent sur des Ferrari dans le gravier! Leurs pneus, pas plus gros qu’une merguez, peinent à certains endroits. Ils coursent parfois en groupe, ils ont un casque en forme de goutte d’eau avec des yeux qui ressemblent à ceux des mouches, leurs souliers sont soudés aux pédales, leurs serre-couilles et leurs maillots multicolores sont si moulants que leur anatomie n’a plus de secret pour les autres. C’est de l’exhibitionnisme légal. Si certains affichent des abdos qui ressemblent à la Caramilk, d’autres ont un ventre qui se compare à la Cherry Blossom! La mode fait loi.
Depuis quelque temps on filme tout. Le papa perché sur sa bicyclette suit sa marmaille. Revenu à la maison il pourra voir son périple, car sur son casque une caméra perchée ne manque rien. Une perche fixée sur le vélo permettra d’autres angles de vue. C’est la Go Pro que l’on voit partout. Il arrive que chaque membre de la famille en ait une. Un extraterrestre se croirait chez lui.
Pour tout dire, l’expérience est distrayante. On voit de tout. Des tandems où le mari pédale pour deux, des groupes de vieux sur des vélos avec moteurs électriques (mais pas encore de bornes de recharge), des cyclistes sans jambes, des vélos d’un type unique, construits de façon originale. J’ai jasé avec une femme de 81 ans, une cycliste expérimentée qui venait de faire le tour de la Beauce avec les montées que cela implique. J’ai vu des gens marcher à côté de leur bécane, des gens capables de rouler 50km sans apporter de quoi réparer une crevaison! La plupart des cyclistes se saluent, affichent leur plus beau sourire, quand il ne pleut pas….
Finalement, j’ai passé du bon temps (laisse le bon temps rouler) sauf que mes prochaines sorties se feront sur routes asphaltées. Je n’irai pas plus vite, mais je passerai devant les maisons, les commerces, les écoles et les fermes et j’aurai plus d’occasions pour m’arrêter, lire, prendre une glace ou siroter un café.
En me relisant, je constate que malgré le fait d’être en pleine nature, c’est la faune humaine que j’ai observé. On y revient toujours.
Grand-Langue

4 mai 2013

Héros Canadiens

Le gouvernement canadien réalise que les citoyens connaissent peu leur histoire. Quelle découverte! L’enseignement de l’histoire tant au Canada que dans les provinces est pratiquement interdit! L’histoire, ça ne sert à rien. Comment pourrait-on demander aux gens de savoir des choses qu’on n’enseigne pas? Pire, sur ce plan, le gout d’apprendre n’est pas encouragé. Celui ou celle qui pose des questions empêche de tourner en rond.
Soyons clair, la récente prise de conscience du ministre Moore n’a qu’un but : publiciser la guerre de 1812 et quelques autres évènements triés sur le volet dans l’espoir de créer un sentiment d’appartenance au Canada, un Canada bien vaste et constitué de régions qui ont peu en commun, qui sont noyées dans un flot d’immigrants venant de partout dans le monde et qui n’ont rien à foutre de la guerre de 1812, de la pendaison de Riel ou de la réalité actuelle et passée des peuples autochtones.
Depuis quand le gouvernement fédéral se soucie-t-il de ce qu’on enseigne dans les provinces? Depuis qu’un conservateur a suggéré de publiciser CERTAINS faits historiques dans un but de propagande. Quel pays ne fait pas ça? Bref, on nous bombardera plus que jamais de capsules historiques bien choisies et présentées sous un seul angle. Autant de nouveaux héros, autant de fierté à être CANADIEN.
Néanmoins, il est vrai que l’histoire n’est pas la matière forte des citoyens de ce beau et vaste pays (sic). Les moyens de diffusions n’ont rien à voir avec ça, la technologie sert à autre chose semble-t-il. Juste ici, à peu près tous les jeunes ignorent comment le Labrador fut « cédé » à Terre-Neuve, c’est tout dire. Les sociétés d’Histoire ont du mal à survivre et personne ne lit leurs publications. Il existe des exceptions, des gens qu’on fera passer pour des originaux vivant hors de toute modernité. Ces gens comprennent et se taisent.
Cette sortie du ministre Moore, soudainement devenu le porte-étendard des héros canadiens m’a fait sourire (en coin). Le pire c’est que bien des gens, en entendant les propos de Moore, n’y verront que du feu. Je sais très bien que l’objectivité n’existe pas et qu’en histoire, peut-être plus qu’ailleurs, rien n’est neutre. Je préfèrerais tout de même qu’on prête l’oreille aux doléances des historiens reconnus plutôt que de me retrouver face à un projet politique conservateur du ministre du Patrimoine canadien. Le pire c’est qu’il y a moyen de passer une idée tout en mettant en vedette des historiens réputés, simplement en favorisant des subventions à certains projets plutôt qu’à d’autres. Voilà qui est triste.
Grand-Langue