Il m’arrive souvent
de me rendre dans les vieux quartiers de ma ville. Depuis quelque temps, peu
importe l’heure, plusieurs groupes d’individus arpentent les lieux. Vous avez
remarqué la même chose dans votre patelin, à certains emplacements. Il s’agit
de chasseurs de Pokémons.
Chacun a son émetteur-récepteur
en main, ce qui n’a rien de nouveau, mais une attention particulière est porté
à la fois sur le petit écran et sur l’environnement immédiat. Vous savez
comment ça fonctionne. En certains lieux spécifiques, des commerçants et autres
individus soucieux d’attirer des gens demandent aux « administrateurs » du jeu
de faire apparaitre sur les écrans des petits êtres virtuels appelés Pokémons.
Il existe toute une panoplie de ces petites bêtes et un bon chasseur saura
capturer une bonne variété de modèles.
Vous me direz que c’est
un jeu comme un autre, nous n’en sommes pas à notre première bêtise. Puisque ça
se passe dehors, on dit que ça va faire du bien aux enfants de prendre l’air,
ils verront à quoi ressemble leur ville, quitte à s’égarer (sic). Évidemment,
il y en a qui se feront tuer lors de la chasse, oubliant qu’en plus des Pokémons,
il y a des voitures sur la voie publique, mais toute opération engendre des
dommages collatéraux, faut pas en faire un plat.
Quand ils se
déplacent, chose rare, ils me font penser à ces mouches que l’on assomme avec
un journal et qui titubent sur le sol entre l’inconscience et le réveil! J’ai
beaucoup observé ces zombies dernièrement, on peut même s’en approcher sans
qu’ils fuient. Hier, il y avait un regroupement de quatre spécimens et l’un a
parlé, il a dit : j’ai faim.
Les autres n’ont eu
aucune réaction, ils n’ont rien dit, pas même bronché. J’ai attendu un peu, je
me suis dit qu’il y avait peut-être un délai dans les communications, il va bien en
avoir un qui perdra conscience ou qu’une réplique viendra quand un autre aura
faim. Assis sur les marches du parvis de l’église, ils sont restés immobiles,
comme des joueurs d’échecs sans échiquier. Après dix minutes, j’ai lancé la
serviette. Peut-être que ce silence voulait dire : « on n’a pas d’argent et
nos parents ne nous ont pas préparé de lunch » ou peut-être que leur
métabolisme s’était mis en mode « économie d’énergie ».
Est-ce que ces êtres sont
des chasseurs ou des proies? Il y a des gens plus âgés qui s’adonnent à ce jeu,
des jeunes mères avec leur bébé dans la poussette, des familles entières, des
conducteurs, des policiers… mais ce sont ces jeunes adultes que j’ai surtout vus.
Valait-il mieux collectionner des cartes de hockey? Écouter Beau Dommage en
groupe dans un sous-sol pas trop aéré? Oui, ça valait mieux et… nous ne
faisions pas ça à 25 ou 28 ans!
Une dame m’a
dit : « Pendant qu’ils font ça, ils ne font rien de mal ».
J’ai répondu : «
Pendant qu’ils font ça, ils ne font rien ».
Grand-Langue